Jeux olympiques

Les croquis font partie d’une série illustrant le projet en accompagnement à l’article écrit en octobre 2016 pour la revue de l’espace conçue par l’Osbervatoire de l’espace du CNES.

Les jeux olympiques en apesanteur.

 


Passages de l’article:

 

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Des jeux olympiques en apesanteur.

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Pour les générations qui feront de longs séjours en micro-gravité ou bien celles qui connaîtront le tourisme spatial de masse, le divertissement sera également à prendre en considération. Il est possible d’aller jusqu’à imaginer un village olympique orbitale comme il est conçu dans le projet VOO UIRA, village olympique orbital de l’architecte Emanuel Dimas de Melo Pimenta4 auquel je participe par une interprétation visuelle.

Un tel projet de jeux olympiques en absence de gravité est un défi aussi bien corporel, architectural, que sportif.

Un défi corporel.

Les jeux olympiques sont des jeux où le corps est omniprésent. Il est le centre de toutes les attentions. Durant ces rencontres sportives, on y mesure les performances corporelles de l’athlète qui sont ensuite comparées à celles de ses prédécesseurs. En apesanteur le corps et les objets que l’on lance se déplace différemment. Les organes sensoriels ne réagissent pas tous pareils et le centre de gravité est modifié. Par conséquent il y a une adaptation à mettre en place et de nouvelles méthodes de déplacement ou de gestuelle, à répertorier. De nouvelles règles et mesures sont à inventer.

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Avec l ‘apesanteur d’autres défis se présentent comme celui de se repérer dans l’espace de l’habitacle, stabiliser ses sens, reconstituer son schéma corporel mis à mal par un centre de gravité modifié. Dès lors l’organisation de jeux olympiques en station orbitale nécessiterait en plus de nouvelles règles de jeux un entraînement particulier en microgravité. L’Homme doit réorganiser ses mouvements différemment qu’il soit sur terre ou bien dans l’espace.

Le déplacement en apesanteur s’appuie sur l’inertie des points d’appui ou bien sur des parois. Selon que le point d’appui sur lequel l’athlète prend élan a une inertie plus ou moins grande, la propulsion sera en conséquence lente ou rapide. Lorsqu’un astronaute tape dans une balle en apesanteur il a tendance ensuite à tourner sur lui-même. Ce phénomène est dû au fait que la force propulsive ne passe pas par le centre gravitationnel de son corps. Pour pallier à cette réaction il faut que l’astronaute ou le futur athlète lance deux balles en même temps dans chacune des mains.

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L’astronaute en orbite peut également faire de courts déplacements de quelques centimètres en tordant son corps. S’il prend appui sur une parois, il peut avancer lentement et souplement dans une direction jusqu’à ce qu’il rencontre un obstacle.

C est pourquoi les contacts corporels entre athlètes seraient un perpétuel déséquilibre, leurs corps sans appui fixe pourraient tournoyer ensembles. A chaque mouvement ils produiraient de la vitesse ou un ralentissement.

Les épreuves de résistance, car on ne peut plus parler de poids en apesanteur nous offriraient le spectacle d’athlètes testant la résistance de sangles élastiques attachées à des parois.

Le lancer d’objet supposerait un moyen d’adhérence lors de l’impact avec la cible pour éviter tout rebondissement aléatoire.

Pour finir la coordination et l’anticipation d’une trajectoire de balle ne sont pas les mêmes que sur terre.

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Délimitation de la zone de jeu.

Un terrain de jeu sur terre est naturellement matérialisé par le sol et délimité sur les côtés par des barrières, bandes de couleurs et des buts. Il n’y aucun besoin d’indiquer le ciel, il ne bouge pas de place. En apesanteur les vecteurs haut/ bas sont arbitraires selon la position physique dans laquelle se trouve le corps. Il est important donc de les indiquer, soit par des couleurs, soit par des jeux de plans opaques ou transparents. Sans ces repères, un certain mal de l’espace ou vertige pourrait saisir les joueurs et les spectateurs.

Le terrain de jeu pourrait être une structure, elle-même à l’intérieur d’une autre structure plus grande où seraient installés les spectateurs et les espaces collectifs. On peut imaginer une structure de terrain de jeu dont un pan serait opaque et matérialiserait le sol, le reste étant transparent pour permettre aux spectateurs à l’extérieur de suivre les jeux. La qualité des parois seraient souples ou non selon les besoins des activités sportives. Les spectateurs suivraient donc les jeux installés autour de la structure de jeu, suspendus par des cale-pieds en demi-cercle sur des gradins. Dans cette situation de flottement pas besoin de dossier de chaise, juste de quoi éviter de errer dans le vide. Des bandes velcro ou autres sangles retiendraient les affaires personnelles de la dérive. L’espace vide entre les gradins et les premiers supports d’appui, ne devrait pas être plus large que 2 mètres environ, afin d’éviter le risque qu’un spectateur ne fasse du sur-place malgré ses agitations et ne parvienne pas à atteindre la sortie. Des tiges flexibles seraient à disposition à quelques mètres des gradins pour aider les déplacements vers les espaces collectifs. Cette zone d’espace collectif se trouverait sous la seconde sphère centrale où les rencontres sportives auraient lieu. Entendons par « dessous » la position préétablie d’une zone, en opposition avec celle où se dérouleraient les jeux. La circulation entre les zones stationnaires du public, pour ne pas parler de gradins, et les espaces collectifs, pourrait se faire sous le plan opaque du terrain de jeu. Cette circulation orientée le long des parois par des sangles ou bien des cordes de couleur indiqueraient le chemin à suivre. Une chaîne humaine ondoyante se formeraient des gradins vers les différents habitacles collectifs.

Inventer de nouvelle règles.

Les jeux en apesanteur doivent répondre à des contraintes physiques différentes que sur terre. Ils appellent donc à inventer de nouvelles règles qui mettent à profit ces nouvelles contraintes.

La transposition des jeux olympiques actuels vers un environnement sans gravité terrestre n’est pas aisée. Plusieurs mouvements corporelles et comportements des balles et projectiles sont naturels sur terre. Mais en apesanteur ils se comportent différemment. Cela implique donc de repenser les règles de jeu, les postures autorisées, les objectifs à atteindre et enfin la beauté du geste qui dans le cas présent correspondrait à son perfectionnement pour l’ériger au rang d’art. Comme décrit précédemment, les jeux olympiques impliquent depuis leur création 5 domaines : la course, le saut, le lancer, la lutte et les jeux d’équipes. Voici pour chacun d’entre-eux des pistes de réflexion sur leurs adaptations en apesanteur.

Les jeux d’équipes.

Tout d’abord un exemple de jeu collectif terrestre : le Tchoukball.

La particularité de ce jeu est qu’il n’y a pas de camp adversaire. Les deux équipes font rebondir la balle indifféremment sur les deux trampolines. Les dimensions du terrain sont équivalentes à un terrain de basket, et par conséquent de taille modeste comparé au terrain de foot. Le but de ce jeu selon les intentions du Dr Brandt est qu’il n’y ait pas de contact physique entre les joueurs.

Toutes ces caractéristiques permettraient, avec quelques modifications, d’adapter ce jeu à l’apesanteur. La balle peut rebondir sur des zones matérialisant les trampolines et être récupérée indifféremment par les membres des équipes qui n’ont pas à être dans une moitié précise du terrain. Les joueurs n’ont pas à se toucher ce qui facilite aussi les échanges car s’agripper n’est pas aisé en apesanteur quand on prend de l’élan. La taille du terrain est également un atout pour des structures orbitales peu étendues.

Le squash : un jeu exploitant plusieurs parois.

Ce jeu sur terre est d’une grande intensité physique. La balle rebondit rapidement et sur plusieurs parois. Les joueurs sont quasiment tout le temps en mouvement.

Dans notre hypothétique station olympique orbitale les deux adversaires feraient rebondir la balle sur les 6 parois du terrain de jeu à la forme cubique. La trajectoire de la balle, les règles de service et d’attribution de points, seraient à étudier afin de minimiser les risques de blessures pour les joueurs. Encore une fois les dimensions de l’habitacle devront être petites pour faciliter les déplacements. Car sans propulsion nos adversaires pourraient rapidement ne pas pouvoir prendre appui et se retrouver au beau milieu de la salle sans pouvoir se diriger.

Le domaine de la course.

Comme nous l’avons vu se déplacer en apesanteur relève du défi. Le déplacement en apesanteur s’appuie sur l’inertie des points d’appui ou bien sur des parois. Pour revenir à nos athlètes de l’apesanteur, ce serait donc à la façon de nageurs sans eau, qu’ils onduleraient leur corps au travers de structures tubulaires transparentes ou à demi ouvertes. Ils s’élanceraient dans une course en prenant appui par endroit sur des sangles ou des baguettes souples. Le parcours d’obstacle s’effectuerait avec des rotations à 360° selon des zones d’appui réglementées. Ces zones d’appui pourraient prendre la forme d’éléments d’inertie variées, disposés le long du parcours, loin des parois. Elles permettraient aux athlètes des propulsions variées avec des difficultés supplémentaires pour ceux qui se suivent.

Le domaine du lancer.

Plus besoin d’être un lanceur de poids massif aux reins d’aciers. Ni d’être un lanceur de javelot aux bras musclés. Dans la station spatiale Internationale par exemple, une femme astronaute déplace du bout des doigts des conteneurs qui font dix fois sont poids et son volume sur terre.

Encore une fois en apesanteur les corps n’ont plus de poids.

De même que sans gravité, les éléments lancés ne sont pas ralentis par le frottement de l’air. Ainsi, une fois propulsés, ils peuvent continuer d’avancer infiniment. La mesure d’une longueur de lancer n’a donc pas de sens en soi. Par-contre, la visée ou les effets de style pourraient être un critère de réussite. De même que prendre appui sur des masses de différentes inerties seraient pertinents. La propulsion d’un objet varie selon qu’il prend appui sur un objet à grande ou petite inertie. Un peu à la façon d’un flipper de l’espace, on pourrait agencer un parcours dans lequel se déplacerait une balle.

La lutte : s’agripper devient un challenge.

Nos lutteurs actuels utilisent l’axe de gravité de l’adversaire et leur poids pour le déséquilibrer puis le plaquer au sol.

En absence de gravité terrestre, les notions de prise, de déséquilibre et de bloquer l’adversaire, sont compliquées à appliquer. Chaque corps possède son propre centre de gravité, engendrant le risque pour ces deux corps qui s’affrontent de tourner sur l’axe d’une spirale. Le blocage de l’adversaire pourrait ne plus se contenter d’un seul plan comme sur le tatami, mais s’effectuerait sur diverses parois souples. Des poignées de prises placées à différents endroits des combinaisons, permettraient aux lutteurs de s’agripper l’un à l’autre tandis que des scratchs et sangles joncheraient les parois pour y bloquer l’adversaire ou y prendre appui. Chaque adversaire aurait une cagoule afin d’éviter toute prise sur les cheveux, surtout pour les longues chevelures qui triplent de volume sous l’effet de l’apesanteur.

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Sainte-Hélène, le 09 octobre 2016.

Nathalie Douillard